World Wild Runneuze, à la rencontre des runneuzes autour du monde !

Un tour du monde de deux ans, une fondation à défendre, 20 courses à pied, 33 pays et 33 vidéos sur les « runneuzes »… Voilà les chiffres impressionnants du projet World Wild Runneuze ! Nous sommes parti.e.s à la rencontre de cette sportive et voyageuse hors norme pour une bonne dose d’inspiration.

world-wild-runneuze-womenup-vietnamWMup : Bonjour Maud, est-ce que tu peux te présenter ?

MD : Bonjour, je m’appelle Maud Debs, je suis originaire d’Alsace et je suis une runneuze. Je fais du sport depuis toute petite. J’ai commencé par la danse classique puis je suis passée au trampoline, au modern jazz, à la boxe full contact jusqu’à mes 18 ans. Arrivée à la majorité, j’avais quasiment arrêté le sport, notamment à cause de mes études en école de commerce. En commençant à travailler, je me suis mise à suivre des collègues qui pratiquaient la course. Non sans mal au début d’ailleurs ! On s’était fixé un challenge : faire le semi-marathon. Je venais de débuter et ne prenant pas conscience de la distance, je me suis inscrite sans vraiment hésiter et… sans vraiment m’entrainer ! Le jour du semi, hyper stressée, je démarre en trombe : au 12ème kilomètres, je n’arrivais quasi plus à courir, et au 19ème kilomètres, je voulais abandonner. Heureusement, je courais avec une amie qui m’a dit « je ne passe pas la ligne d’arrivée sans toi » et qui m’a fait tenir jusqu’au bout. On l’a fini en 2h30, sans vraiment se préparer et c’est à ce moment-là que je me suis mise à la course. Je me suis dit que je pouvais le faire en passant cette ligne. La ligne d’arrivée c’est souvent ce qui fait tenir une course, elle matérialise le fait que tu as été capable de le faire.

WMup : Comment est né ton projet World Wild Runneuze ?

MD : Il est né grâce à cette passion pour la course. Je fonctionne souvent par objectifs : j’ai commencé à m’inscrire à plusieurs courses avec le but final de tenter le marathon. On m’avait dit que je n’arriverai pas à courir un marathon avant mes 30 ans, et comme j’ai un peu l’esprit de compétition, j’ai voulu relever le défi.

Je me suis fait un plan d’entrainement sur de longues distances, j’avais donc énormément de temps pour réfléchir pendant que je courrais. A l’époque je bossais dans une boite en IT où j’avais pris beaucoup de responsabilités et on me disait que d’ici quelques années je pourrai prendre la tête de la boite. Mais, est-ce que c’est vraiment ce que je voulais faire ? Cette question revenait en permanence à chaque fois que j’allais courir. Et la réponse, était souvent la même : j’avais besoin de faire quelque chose qui ait plus de sens pour moi.

C’est là que je me suis dit qu’il fallait que je change quelque chose. J’ai mis les choses à plat : j’avais toujours adoré voyager et la course faisait désormais partie de mon quotidien, je voulais construire un projet qui me permettait d’allier les deux.

Le 2 janvier 2014, j’ai fait la liste de tous les pays que je voulais voir avec pour objectif de partir un an plus tard. Entre temps, le marathon de Paris arrivait et je le courrai avec ma plus ancienne amie, Julie, qui avait décidé de lever des fonds pour une association, la Fondation Motrice, qui s’occupe des personnes atteintes de paralysie cérébrale. En discutant avec les membres de l’association, j’ai découvert ce handicap et je me suis dit que j’avais envie de m’engager et que j’allais courir pour les autres. Je leur ai présenté mon projet et je suis devenue ambassadrice de la fondation. J’avais en tête d’aller courir différents marathons et de rencontrer des personnes durant le voyage.

Je me suis demandée s’il n’y avait pas des femmes un peu folles sur terre comme moi qui réalisent des choses qui sortent de l’ordinaire par la course à pied. Je voulais les rencontrer et faire parler des femmes dans le sport car on en parle peu dans les médias.

J’ai monté mon projet de cette manière après avoir fait la liste des pays, après avoir décidé de courir des marathons en levant des fonds pour l’association et aussi en partageant les histoires et les visions des femmes sur la course.

 

WMup : De plus en plus de start-up, de communautés se créent autour des valeurs du sport depuis ces dernières années. Pourquoi est-ce que tu as choisi de te lancer là-dedans, pourquoi la course, qu’est-ce que ça symbolise ?

MD : Le sport, et surtout la course, véhiculent des valeurs que j’aime et surtout une : le dépassement de soi. Je n’aurai jamais pensé être capable de courir un marathon et j’ai fini par en faire un tour du monde. Le sport te donne une énergie folle pour faire des choses, une confiance en soi supplémentaire.

Le sport pour moi c’est aussi le partage. Parfois, on se retrouve complètement perdue pendant les courses, pendant les trails notamment. Et j’ai pris l’habitude de parler aux gens pendant que je cours. J’ai notamment rencontré une brésilienne, Juliana, avec qui j’ai échangé, jusqu’à ce qu’on nous annonce, en pleine course, qu’elle était annulée. On était dépité parce qu’on était toutes les deux venues exprès pour cette couse. On a gardé contact pour réaliser une interview, elle habitait dans une ville assez éloignée mais qui était sur mon chemin pour l’Argentine : elle m’a accueillie 4-5 jours chez elle, m’a présentée toutes ses amies, alors que nous avions juste échangé 30 minutes pendant une course. Et ce genre d’expériences m’est arrivé plusieurs fois. Il y a une solidarité qui se crée dans le sport et dans le running, assez instinctivement. Il y a une espèce de famille, au-delà de la performance, peut-être que c’est féminin d’ailleurs. Et puis c’est un sport qui est facile, il suffit juste d’avoir des baskets ce qui motive les gens instantanément.

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WMup : Dans ton projet il y a une dimension tournée vers les femmes. Pourquoi décider de faire ce reportage ? Qu’est-ce que tu as découvert ?

MD : Le but c’était de montrer qu’il y a un vrai esprit du running peu importe l’endroit sur terre. Mais de montrer aussi les différences qu’il y a entre les pays et les continents par rapport à ce sport. Dans certains pays, comme ceux d’Asie, ce n’est pas du tout le sport principal alors qu’il est extrêmement populaire en Afrique. J’avais envie de partager cet esprit unique de la course et en même temps de montrer qu’il y a des femmes qui sont différentes aux quatre coins du monde. Je voulais montrer la force de toutes ces femmes qui courent, qu’elles soient championnes ou pas, elles sont toutes aussi intéressantes, elles ont toutes leurs histoires. Par exemple, en Afrique, si tu as ce talent de courir, il faut que tu t’y accroches parce que ça va te permettre de t’en sortir. De proposer un avenir à ta famille et à tes enfants, certaines femmes se sont mises à courir pour ça, pour les nourrir, pour construire une maison, pour payer l’école. L’idée c’est que si tu te lances dans la course c’est pour gagner, pour remporter les prix. Elles se font ensuite détectées par des managers étrangers. En Asie, c’est tout autre chose, la femme court un peu pour s’émanciper. Elles débutent la course a pied souvent après 40 ans. Ce n’est pas du tout un sport valorisé du fait qu’on porte moins de vêtements mais aussi parce que dans ces pays la femme ne doit pas faire de sport, elle doit avoir des formes et s’occuper de la maison. En Asie du Sud-Est, les pays sont plus développés, on tend vers quelque chose de similaire à l’Occident. Les femmes courent pour être belles et pour être en forme, notamment au Vietnam. Au Laos ou au Cambodge, c’est pour montrer qu’on est forte, même si ça va parfois à l’encontre de la famille. C’est hyper culturel : j’ai rencontré une femme qui avait fait les JO de Sydney, Sirvanah. Sa mère ne la soutenait pas parce que courir signifie être en extérieur, avoir la peau qui bronze et donc ne pas pouvoir se trouver de mari. En Malaisie par exemple, les femmes courent mais elles courent voilées sous 30 degrés. Au marathon, j’étais quasi la seule en short et t-shirt. Et pourtant, elles courent, c’est une sorte de mix entre Occident et Orient, et ça fonctionne.

 

WMup : Est-ce que tu te décris comme féministe, est-ce que tu te reconnais dans le féminisme et dans cette nouvelle vague qui est en train de créer ?

MD : Féministe, c’est un grand mot pour moi. Quand tu dis « féministe » souvent ça veut dire que tu es contre les hommes, alors que pas du tout. Je défends les femmes, je voudrais qu’elles soient reconnues de manière égale aux hommes, même si on aura toujours des différences. Je ne suis pas contre les hommes mais pour les femmes. Pour montrer que les femmes fortes sont capables d’être reconnues pour ce qu’elles font. Ce que les hommes arrivent à faire depuis des années d’ailleurs. Il faut juste qu’on arrive à avoir le même statut.

WMup : Quelles sont les personnes qui t’inspirent ?

MD : Chrissie Wellington, c’est une suédoise qui a remporté un Iron Man. C’était une femme lambda et qui a réussi à dépasser ses limites. Elle a d’ailleurs écrit un livre « A life without limits ». Elle est incroyable, c’est une machine. Toujours dans la course : Scott Jurek, un des plus grands ultra trailer du monde qui s’est mis à la course parce qu’il voulait être meilleur en ski. Il est hyper humble mais avec un mental d’acier, sa mère était malade et il a voulu se dépasser pour elle. C’est ce que j’aime dans la course à pied : ce sont des anonymes qui réalisent des exploits mais qui reste très simples. Deux autres personnalités qui ne sont pas du tout sportives : Sheryl Sandberg, j’avais lu son bouquin avant de partir. J’aime sa manière de penser parce qu’elle met en avant la part de responsabilité des femmes dans les inégalités. Elle aussi c’est une machine pour son parcours, c’est un exemple à suivre. Le dernier c’est Nelson Mandela dont j’ai lu la biographie pendant mon voyage. La manière dont il s’est battu pour la liberté d’un pays alors qu’il était en prison et la manière dont il a fait passer sa vie au second plan, ce n’est pas donné à beaucoup de gens. On se dit qu’on peut faire plus.

WMup : Le sport au féminin est en train de progresser tu penses ? Assiste-t-on à un retour en arrière concernant les droits des femmes ?

MD : Je pense oui. Au dernier marathon de Paris, il y a eu 26% de femmes alors qu’il y a 3 ans c’était 14%. En soit, ça ne veut pas forcément dire qu’il y a plus de femmes qui courent mais elles vont plus dans la performance. Avant elles devaient penser que c’était réservé aux hommes. Je pense qu’elles se sentaient moins capables de le faire. La performance est souvent plus liée au masculin qu’au féminin. Maintenant, je pense que la course est aussi liée à l’envie de prendre soin de soi et aussi d’extérioriser. Après, quand on regarde du côté des ultra trails, c’est encore très masculin. Il y a quand même un côté « on se fait mal » qui n’est pas très axé féminin. Il y a de plus en plus d’exemples de sportives qui motivent les autres. Je pense que les femmes fonctionnent plus en groupe dans le sport que les hommes qui sont plus solitaires.

Dans le sport, globalement, les femmes sont plus médiatisées, dans le foot, le hand, le golf. On en parle plus mais les gens continuent de plus regarder les hommes car la performance parait plus spectaculaire. Physiquement les muscles sont différents, les femmes ont moins de capacité à créer du muscle rapidement. Ça ne veut pas dire qu’elles sont moins performantes, ça prend juste plus de temps. Aussi, il y a moins d’investissements pour le permettre. Mais aujourd’hui, ça devient un peu marketing d’investir sur les femmes et pas forcément pour le mieux. Il suffit de voir ce qui a été fait avec le Football américain pour les femmes : on les a mises en bikini et on ne les regarde plus pour le sport. Il y a quand même du chemin à faire là-dessus.

Par rapport aux droits des femmes, on sent que les mentalités ne sont pas encore prêtes pour que les femmes s’émancipent, mais évidemment pas dans tous les pays. Elles doivent quand même se plier à pas mal de choses, rien que par rapport à la course. Par exemple en Inde, elles n’ont pas le droit de courir à certains endroits.

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WMup : Une devise ?

MD : Si je peux le faire, tout le monde peut le faire.

WMup : Quelle est ta plus grande fierté ? Quelle expérience considères-tu comme la plus impactante aujourd’hui ?

MD : D’avoir fait ce que j’ai dit que j’allais faire. D’avoir fait ce tour du monde de deux ans, d’être rentrée avec plein d’idées pour la suite. Même si je suis déterminée, il y a toujours des barrières qui se mettent en face de vous et je suis fière d’être arrivée au bout. J’ai perdu mon père quand j’avais 16 ans et j’ai pris conscience que c’est ce qui me pousse à aller plus loin. Ça a changé ma perspective de la vie pour faire les choses à 100% parce que je sais qu’un jour ou l’autre tout peut s’arrêter.

WMup : Il y a un sujet qu’on aborde beaucoup quand il s’agit des jeunes générations c’est le fait de chercher du sens dans son taf. Toi qui a tout quitté, comment tu le vis aujourd’hui ?

MD : Je ne sais pas vraiment si on trouve le sens. J’avais juste envie de faire quelque chose pour les autres. Je me suis rendue compte que c’est ce qui pourrait me rendre heureuse. Aujourd’hui ce projet je l’ai mis en place pour ça : la levée de fonds pour l’association, la diffusion du documentaire pour aider les femmes. J’ai envie de partager ça aussi, c’est pour ça que je me lance dans le coaching. Je ne sais pas si c’est ça le sens mais j’ai l’impression d’être au bon endroit au bon moment, on a trop souvent l’impression d’être à côté de sa vie.

 

WMup : Quels sont tes futurs projets ?

MD : Là je me lance dans le coaching, je m’entraine pour passer des tests pour rentrer dans une formation. Je commence d’ailleurs déjà à coacher mes amis. A côté de ça je monte mon documentaire sur les femmes et la course. Je vais aussi lancer les portraits de femmes sur mon site : le but c’est de montrer que si tu veux te mettre à la course tu peux le faire. J’ai également un autre projet sur lequel j’avance : j’aimerai faire voyager les personnes par la course, un peu comme ce que j’ai fait, une sorte d’agence de voyage de la course.

WMup : Qu’est-ce que cela signifie pour toi d’être Jeune et Engagée ? Que dirais-tu aux personnes qui hésitent à sauter le pas de l’engagement ?

MD : C’est de ne pas être fataliste. Le « de toute façon c’est comme ça, ça ne changera pas », ce n’est pas quelque chose d’envisageable. Si on a envie de changer les choses, ça commence par des petites actions. Chaque petite action va ensuite rayonner sur les autres. C’est de ne pas être dans l’attente. On a tous quelque chose qui nous tient à cœur et pour lequel ça ne nous coute rien de donner de l’énergie. Je suis persuadée que chacun a une motivation pour faire changer les choses. C’est surtout une vraie volonté chez les plus jeunes, mais je pense qu’elle ne part jamais. Il faut juste prendre le temps de la détecter.

Un petit aperçu des aventures de Maud à retrouver sur sa chaine Youtube :

Céline est une jeune spécialiste des medias, bercée par l’innovation et l’univers du digital. Après plus de 5 ans passés à évoluer au sein du premier groupe media français, elle décide en 2017 de fonder Gender Busters, un cabinet de créativité pour accompagner les entreprises à franchir leur dernier kilomètre vers la mixité. Engagée au travers de WoMen’Up, elle s’investit pour faire voler en éclats les a priori sur les jeunes générations et la mixité. Poursuivant des études sur le Genre, elle souhaite proposer un féminisme démocratisé avec un regard neuf, jeune et décomplexé. Plus que jamais investie pour bousculer les stéréotypes, Céline est l’ambassadrice d’un renouveau féministe porté par WoMen’Up, aussi bien en entreprise que dans la société civile, afin de redéfinir les codes de notre monde.