L’entrepreneuriat, cet eldorado dont nombreux rêvent secrètement mais où peu excellent réellement.
Comme beaucoup de personnes de la génération Y, il y a quelques semaines, j’ai quitté mon job : moi aussi, j’ai fait mon « job out ». Et ce après avoir résisté de nombreuses années en essayant de me convaincre que je ne deviendrai pas le stéréotype de ma génération ou que je n’étais pas sûre d’être faite pour ce rôle.
Et pourtant me voilà entrepreneure, malgré moi car « micro-entrepreneure » c’est le titre que je porte. Mais pourquoi est-ce que je n’arrive pas encore à accepter cette étiquette ?
Déconstruire le mythe de l’entrepreneur : vers un statut hybride ?
L’entrepreneur-e, le nouveau rôle modèle de nos générations, ce héros des temps modernes – trop souvent masculin d’ailleurs – institutionnalisé par les Jobs, Gates, Niel ou Zuckerberg. Une sorte de légende vivante dont la mythologie semble s’être construite autour d’une histoire commune fantasmée : on l’imagine se réveiller un matin avec une idée de génie qui va révolutionner le monde, l’économie, nos vies (« Eureka »). Il (Elle) est un peu étrange, parfois rejeté, très audacieux, forcément sûr de lui. Du jour au lendemain il monte sa boite en un claquement de doigt et le succès ne tarde pas. L’entrepreneur est devenu un personnage mystique qui attire autant qu’il fait peur.
Mais comment devient-on entrepreneur-e ? D’ailleurs est-ce qu’on se dit vraiment que l’on devient entrepreneur-e ? En dehors des conversations entre amis à deux heures du matin où il nous a tous déjà pris l’envie soudaine de « tout lâcher pour monter notre boite ».
Considérons qu’il y a deux types d’entrepreneur-e-s : ceux pour lesquels l’entrepreneuriat est une évidence, pour qui aucune autre forme de travail n’est envisageable, les « vrai-e-s » entrepreneur-e-s dans l’âme ; et les entrepreneur-e-s de circonstance. Force est de constater que, dans mon cas personnel, il s’agit de cette deuxième catégorie. Je ne me suis tellement jamais considérée comme entrepreneure, que je n’ai, à aucun moment, envisagé, même en quittant mon job, de monter mon entreprise. Pour autant, je tente de développer un projet, de mettre à profit mes compétences, de m’investir dans ce qui m’a en réalité toujours motivée. Un projet que je muris depuis plus de deux ans maintenant. Il était temps me direz vous !
Suis-je pour autant moins entrepreneure que les autres ? Ou au contraire, suis-je une entrepreneure refoulée ? A quel moment a-t-on assez entrepris pour être considéré-e comme entrepreneur-e ? Est-ce que ce mythe n’est pas trop lourd à porter pour nos épaules de simples mortels ? Et si nous, les entrepreneur-e-s de circonstances, nous souffrions du syndrome de l’imposteur ?
C’est que l’évidence parfois est ailleurs ; non dans le fait d’avoir sa boite, mais plutôt dans la démarche de se donner les moyens pour faire bouger les choses. Dans l’acte d’entreprendre finalement. J’ai décidé de quitter mon job pour avoir ma propre activité car j’ai su que c’est celle qui me permettrait de m’accomplir. C’est déjà en soit un acte d’entrepreneurial, il parait. Et à défaut d’avoir pu être une intrapreneure dans mon entreprise, à défaut d’avoir ma fameuse start-up, j’ai choisi un modèle hybride : l’extrapreneure, croisement entre l’auto-entrepreneure de début d’activité qui propose ses compétences à d’autres et la future cheffe d’entreprise qu’il me faudra devenir si je souhaite développer mon activité pour avoir un réel impact sur la société.
Les entrepreneurs-slasheurs : construire les jobs que nous souhaitons occuper
Plusieurs questions se posent forcément dans cette démarche : Pourquoi tout lâcher ? Pourquoi se mettre en danger ? « Tu as tout pour devenir entrepreneure », mais pourquoi le devenir ? Pour les valeurs, pour le sens, pour l’engagement. Moi qui cherchais désespérément cette flamme qui allait illuminer ma carrière, alors qu’elle était juste sous mes yeux depuis tant d’années.
C’est une entreprise qui a été totalement personnelle, relevant même plus de l’émotion que de la rationalité. Je n’ai plus eu besoin de me demander si j’étais prête, je l’ai juste ressenti. Ressenti que ce n’était plus ma réussite personnelle qui comptait. Ressenti qu’à ce moment précis, la seule chose que j’étais capable de porter se situait au-delà de moi. Et que je prendrai les risques nécessaires pour y parvenir. La vie est souvent une question de timing et mon heure était arrivée.
Plusieurs réactions fleurissent autour de vous lorsque vous quittez votre job : « Tu dois avoir une super opportunité ailleurs », « Pars voyager, faire le tour du monde ! », « J’ai fait passer ton CV, je te vois parfaitement bosser là bas », « J’ai une super idée de boîte pour toi »… Comme si les personnes qui vous entourent comptaient vivre par procuration le choix que vous avez fait. Comme si les convictions qui vous ont poussées à sauter le pas ne leur semblaient être qu’un passe-temps, une posture ou de belles paroles. Alors que c’est peut-être une des premières fois de votre vie que vous prenez tout en main et que vous n’avez qu’une seule envie : que l’on vous laisse faire. Ce qui ne veut pas dire que vous n’avez pas besoin d’aide.
Force est de constater qu’on nous apprend à choisir un métier plutôt qu’à poursuivre un rêve. Et après quelques années au sein de nos entreprises traditionnelles, on prend le temps de s’arrêter, de recommencer à rêver : et on quitte son job. Ne nous méprenons pas, il n’est évidemment pas question d’une volonté de précarité mais plutôt de flexibilité et la possibilité de construire le job dont nous rêvons. Et si, plutôt que de former les étudiants à des typologies de métiers, nous les formions à se construire ceux qu’ils désirent en fonction des messages qu’ils souhaitent porter ? Les entrepreneur-e-s de circonstance semblent tout simplement pallier à ce déficit de formation en se créant eux-mêmes leurs propres opportunités.
Un rôle à jouer : l’entrepreneuriat comme aboutissement de cette quête de sens
Si je suis persuadée d’une chose, c’est que nos jeunes générations ont pris conscience des enjeux qu’elles ont à relever. Les temps que nous vivons nous montrent combien notre rôle est nécessaire, combien de simples personnes peuvent tout faire basculer. A l’heure où les entreprises se transforment en moteurs d’un changement économique, social et politique, les jeunes générations doivent réaliser que peu importe la carrière qu’ils choisissent, ils peuvent décider de contribuer à avoir un impact sur la société. Si nous prenons conscience que nous pouvons devenir acteurs du changement, nous verrons émerger des entrepreneurs beaucoup plus humains qui occuperont un rôle au sein de la société civile.
Vivant aujourd’hui les premières semaines de ma vie d’extrapreneure – et les premières difficultés qui les accompagnent – je vous livre ces réflexions traduisant les doutes inhérents à ce type de projet. Je réalise pourquoi l’on dit qu’il n’est pas facile d’être entrepreneur en France. En réalité, il est très facile de le devenir mais il est très compliqué de le rester.
J’ai la chance aujourd’hui d’être entourée par ces entrepreneurs humains qui me permettent d’apprendre à leurs côtés et qui m’accompagnent. Au fur et à mesure de l’avancement, les mythes sur l’entrepreneuriat se déconstruisent. Il me semble être moins une histoire de carrure, que d’envie. Plus une question de courage, que de génie. L’entrepreneuriat me parait être un long chemin qui se construit petit à petit, et dont les routes sinueuses évoluent en permanence. Avant tout, l’entrepreneuriat est le luxe du sur-mesure : la possibilité de diversifier ses expériences et la capacité à se réinventer dès qu’on le souhaite et surtout dès qu’il le faut.
Armée de mes convictions, sûre de mon engagement et de ma volonté de les porter, j’arpente aujourd’hui la route de l’entrepreneuriat tout en ayant la certitude que la réussite réside dans la capacité à avoir l’audace de se battre pour ses idées tout en ayant l’intelligence de se remettre en question. Rendez-vous dans quelques temps !