Deborah Pardo, la scientifique qui sauve les albatros et qui veut changer le monde !

Elle est une des gagnantes du concours Femmes en Vue de Vox Femina, une brillante scientifique, un rôle modèle qui s’engage pour promouvoir la place des femmes dans les sciences et une immense source d’inspiration et d’optimisme : rencontre avec Deborah Pardo.

WMup : Bonjour Déborah, est-ce que tu peux te présenter en quelques lignes ?

DP : Bonjour Women Up, c’est un plaisir de vous parler aujourd’hui ! Je suis marseillaise, j’ai trente ans, un petit garçon de deux ans et un doctorat en Ecologie des Populations. Je travaille depuis quatre ans à Cambridge au British Antarctic Survey pour comprendre les causes et conséquences du déclin catastrophique des populations d’albatros de l’Océan Austral. Mes modèles mathématiques permettent de mesurer le rôle du changement climatique et de la pêche industrielle sur différentes espèces et ainsi conseiller les organismes de protection de la Nature.

WMup : Tu as un parcours universitaire et professionnel assez impressionnant. Comment est née ton envie, ta vocation de devenir chercheure / docteure sur l’étude des populations, la biodiversité, les albatros ?

DP : Depuis toute petite j’étais très curieuse des animaux, je ne cherchais pas à les apprivoiser mais à les comprendre. Je passais mon temps à rêver devant les documentaires animaliers à la télévision. Après un stage dans une clinique vétérinaire, j’ai vite compris que ce n’était pas mon truc et je me suis alors orientée vers des études en Biodiversité, Ecologie, Evolution. Là j’ai fait mon maximum car j’en voulais toujours plus : stages d’été, ERASMUS en Suède, mentions… Je commençais à comprendre que pour protéger les espèces de l’extinction à cause des actions directes et indirectes de l’Homme, je devais me spécialiser en Démographie.

C’est ce que j’ai fait lors de mon Master à Montpellier puis de ma thèse au Centre d’Etude Biologiques de Chizé. Les oiseaux marins sont venus tout naturellement car c’est en suivant ce type d’espèces, facilement identifiables individuellement avec des numéros sur leurs bagues en métal et facile à suivre d’une année sur l’autre car ils se reproduisent toujours au même endroit. Les albatros sont également très naïfs face à la présence de l’Homme, ce qui facilite notre travail et permet d’obtenir des données de qualité pour faire des analyses démographiques surtout qu’ils sont suivis depuis les années 1950 sur des archipels comme Kerguelen. Les albatros appartiennent également a la famille d’oiseaux marins la plus en danger d’extinction au monde, ils sont sentinelles du milieu marin et symbole de l’empreinte de l’homme sur l’environnement alors mon travail a beaucoup de sens.

WMup : Tu étais la seule française à avoir participé à une expédition en Antarctique qui vise à faire reconnaitre le travail des femmes scientifiques. Peux-tu nous raconter cette aventure, ce qui t’a donné envie de te lancer là-dedans ?

DP : Oui, j’ai eu la chance d’être acceptée à l’année d’inauguration du programme Homeward Bound, qui vise à promouvoir les femmes scientifiques en position de leadership. C’est une formation internationale d’élite en leadership, stratégie, innovation, communication, politique et négociation qui dure 1 an et demi et qui a culmine avec la plus grande expédition féminine de l’histoire en Antarctique en Décembre 2016.

Nous étions 76 cette année mais nous constituerons un réseau de 1000 femmes scientifiques entrainées au bout de 10 ans pour se mobiliser ensemble sur des sujets d’actualité, se soutenir et se propulser afin de changer les tristes statistiques des femmes dans les postes les plus avancés : seulement 3% de femmes Prix Nobel, une forte sous-représentation dans les postes décisionnels en politique, business, media…. C’est un manque à gagner pour nos sociétés, nous nous mobilisons de cette façon pour gagner en confiance et en collaboration pour faire basculer ce model patriarcal qui a mené à la destruction de notre planète.

Je suis très engagée sur les sujets environnementaux et je suis convaincue que plus de femmes leaders peuvent réinventer les modèles actuels car elles sont plus inclusives et possèdent un lien privilégié avec l’environnement. Je veux en faire partie. 

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WMup : Le projet auquel tu as participé est tourné vers les femmes, vers l’envie de sortir de certains stéréotypes. Est-ce que tu te décris comme féministe, est-ce que tu te reconnais dans le féminisme et dans cette nouvelle vague qui est en train de créer ?

DP : Avant cette expédition je ne m’étais jamais définie comme une féministe même si j’en ai toujours été une. Je n’aime pas trop utiliser ce terme car chacun a sa définition et elle fait parfois peur. Je me reconnais complètement dans la vague féministe actuelle, toutes ces femmes qui se battent pour que leurs droits soient reconnus et leurs voix entendues.

La situation socio-économique et environnementale dans laquelle nous sommes actuellement montre bien la fin d’une ère et le début d’une nouvelle. Ce programme de leadership, la force et la motivation des femmes scientifiques avec qui j’étais sur le bateau en Antarctique ainsi celle de toutes les femmes incroyables que j’ai pu rencontrer sur le chemin pour financer et raconter mon aventure, me donnent énormément d’espoir et de courage pour que l’on soit ensemble des pionnières du changement, avec un optimisme contagieux et une approche positive et constructive.

WMup : Quelles sont les personnes qui t’inspirent ?

DP : Toutes les personnes qui ont une vision globale de la planète et de l’humanité et qui arrivent à expliquer clairement pourquoi on en est arrivé là (Diamond, Rockstrom, Harari, Rosling…).

Tous les entrepreneurs sociaux qui créent un mouvement de changement et qui prouvent que cela peut marcher autrement.

WMup : Une devise ?

DP : Ceux qui pensent que c’est impossible sont priés de ne pas déranger ceux qui essaient.

WMup : Quelle est ta plus grande fierté à ce jour ? Quelle expérience considères-tu comme la plus impactante dans ta carrière aujourd’hui ?

DP : Je préfèrerais ne pas citer une expérience en particulier mais plutôt la boule de neige géante qui se forme au fur et à mesure que je vis ma vie et que les aventures s’enchainent grâce aux opportunités que je me crée en pensant que rien n’est impossible. Ma fierté c’est ma détermination.

WMup : Il y a un sujet qu’on aborde beaucoup quand il s’agit des jeunes générations c’est l’équilibre vie pro / perso. Toi qui est maman, comment fais-tu pour le maintenir ? Quels sont tes « tips » pour le conserver et rester motivée ?

1/ Un partenaire qui comprend, qui soutient qui kiffe être un papa moderne.

2/ Une organisation à l’avance et efficace.

3/ Une remise en question permanente de là ou on se trouve, de ce que l’on peut améliorer

4/ Une forte introspection pour comprendre et être en accord avec les valeurs qui nous conduisent.

5/ Une alternance de phases hyper-actives et de phases de glandouille apparente mais qui permettent de faire le point sur la suite.

WMup : Quels sont tes futurs projets ?

DP : Rentrer vivre à Marseille en famille car c’est là qu’on est le plus heureux, proche de la famille, des amis, de notre culture, d’un environnement magnifique et d’une ville en pleine métamorphose.

Mon contrat de recherche à Cambridge étant terminé, je réalise bien que le milieu de la recherche m’ouvre peu de portes, j’ai donc plein de projets pour rebondir dans des associations, des entreprises en tant qu’entrepreneuse. Je suis en train de murir tout ca, ce qui est sur c’est que je veux avoir un impact positif sur l’environnement, beaucoup de partage et d’enthousiasme.

WMup : On sait aujourd’hui que les métiers « scientifiques / techniques » sont encore considérés comme des métiers de garçons et que peu de filles décident de suivre ces filières. Qu’est-ce que tu as envie de dire aux petites filles pour qu’elles aillent plus vers ce type de parcours ?

DP : N’écoutez que votre instinct ! Vous pouvez accomplir beaucoup plus que ce que tout le monde croit, y compris vous-même !

WMup : Qu’est-ce que cela signifie pour toi d’être Jeune et Engagée ? Qu’est-ce que tu dirais aux personnes qui hésitent à sauter le pas de « l’engagement » ?

DP : Pour moi cela signifie de faire tomber les barrières, d’être en accord avec soi-même, d’être bienveillant avec les gens autour de nous, de respecter la planète, de consommer intelligemment, de se poser des questions en permanence et d’arrêter de faire l’autruche ou d’envoyer la faute sur les autres. Chaque petite action nous permet d’avancer dans la bonne direction, il suffit de montrer l’exemple dès qu’on s’en sent capable, de communiquer passionnément pour inspirer les autres à en faire de même car ensemble on est beaucoup plus forts. On a tout à y gagner.

Pour découvrir la fabuleuse aventure de Déborah en images, c’est ici :

Céline est une jeune spécialiste des medias, bercée par l’innovation et l’univers du digital. Après plus de 5 ans passés à évoluer au sein du premier groupe media français, elle décide en 2017 de fonder Gender Busters, un cabinet de créativité pour accompagner les entreprises à franchir leur dernier kilomètre vers la mixité. Engagée au travers de WoMen’Up, elle s’investit pour faire voler en éclats les a priori sur les jeunes générations et la mixité. Poursuivant des études sur le Genre, elle souhaite proposer un féminisme démocratisé avec un regard neuf, jeune et décomplexé. Plus que jamais investie pour bousculer les stéréotypes, Céline est l’ambassadrice d’un renouveau féministe porté par WoMen’Up, aussi bien en entreprise que dans la société civile, afin de redéfinir les codes de notre monde.