Jeans. Tee-shirt. Veste. Je lace mes bottines et je dévale les escaliers, une chanson sur les lèvres. Il est 7h30 et l’air vif de ce mois de janvier me brûle les joues. Il me reste encore une petite heure de liberté. Dans une heure j’arriverai sur mon lieu de travail, et la seule part de féminité qu’il me restera alors sera le bruit de mes talons dans les couloirs.
Je suis dans l’informatique : un monde majoritairement masculin, fait par et pour les hommes[1]. On trouve normal que les supérieurs flirtent gentiment avec toutes les donzelles du service. On trouve normal les blagues sexistes aux réunions. On trouve normal que les femmes ne soient encore que très peu représentées dans les postes de direction[2]. Ma réplique préférée ? « Tu es plus jolie que le Pack Office »… Oui ce jour-là je me suis demandée si j’allais tenir 6 mois… Franchement.
Mais les codes tendent à changer. Dans mon unité il y a une majorité de femmes. La compagnie pour laquelle je travaille est d’ailleurs dirigée par une femme. Les réseaux féminins sont présents et tolérés. C’est sans doute pour cela que je peux porter jupes et talons. Me maquiller. Me vernir les ongles. Cependant, je pense qu’être une femme va au-delà de mon apparence. Il semblerait qu’aux yeux de tous le fait d’avoir un second X me confère de manière intrinsèque des qualités dîtes féminines (fragile, maternelle, rangée, patiente, compatissante, bavarde, jalouse, frivole, irrationnelle, peureuse, maladroite, émotive, compliquée… pour n’en citer que quelques unes)… Or je pense que si je me reconnais dans certains de ces adjectifs, je ne me reconnais clairement pas dans tous, et de plus je n’en vois aucun qui s’appliquerait à toutes les femmes de la planète !
Doit-on tendre vers un modèle de leadership androgyne ? Certains chercheurs, comme Isabelle Derez, (connue notamment pour son TedTalk « Le Leadership a-t-il un sexe ? ») pensent que la solution est là : il faut que les caractéristiques attendues des leaders évoluent vers certaines valeurs plus « féminines » comme la bienveillance ou la coopération. Cette réponse ne me satisfait pas totalement. Pour ma part je suis contre l’approche systémique du leadership. Je ne pense pas que nous devions tendre vers un modèle « plus androgyne », « plus féminin » ou « plus masculin » mais vers plus d’ouverture et d’acceptation.
L’un de mes mentors, Don Mauricio Rodriguez, m’a un jour dit qu’il croyait que tout le monde pouvait être un leader : il suffisait pour cela de se connaître et de chercher à devenir une meilleure personne. C’est cette vision simpliste et idéaliste que je souhaite voir prospérer dans l’entreprise : que chacun puisse être le leader qu’il doit être. Je ne crois pas qu’il existe une recette magique du leadership en fonction de notre sexe ou d’un quelconque autre critère. Je crois profondément que nous avons tous en nous ce feu sacré des leaders, cette envie de « changer la vie ». A nous de nous donner les moyens d’y arriver :
C’était un professeur, un simple professeur
Qui pensait que savoir était un grand trésor
Que tous les moins que rien n’avaient pour s’en sortir
Que l’école et le droit qu’a chacun de s’instruireIl y mettait du temps, du talent et du cœur
Ainsi passait sa vie au milieu de nos heures
Et loin des beaux discours, des grandes théories
A sa tâche chaque jour, on pouvait dire de lui
Il changeait la vie
Il Changeait la Vie – Jean-Jacques Goldman
[1] Seulement 25% de femmes dans l’informatique en 2013, source : Les Echos
[2] 10% en 2013, source : Les Echos