Etre femme, un vaste sujet dans le monde entier. Etre femme au Myanmar, un sujet controversé, polémique. Et se pencher dessus, c’est un peu ouvrir la boîte de Pandore.
D’apparence les femmes semblent libres et tout le monde s’accorde à reconnaitre leur rôle au sein de la famille et dans l’éducation des enfants. Néanmoins, la majeure partie du temps, elles continuent d’être inférieures à leur mari et n’ont pas de réelle autonomie. On les attend à une place bien définie. Et dès qu’elles veulent s’éloigner du cadre qui leur est fixé, elles s’attirent les foudres d’une société conservatrice.
Par ailleurs, le corps de la femme est tabou. On n’en parle pas, pas plus qu’on parle de sexualité, comme si c’était extérieur à elles. Leur corps semble sacré, intouchable, et pourtant, certains ne se gênent pas pour le bafouer. Un corps extérieur, nous disions, qui peut être vendu, utilisé, agressé, comme si leurs propriétaires n’étaient que de vulgaires objets.
Etre femme au Myanmar, être femme corps et âme !
Touche pas à mon corps
Les femmes sont toujours perçues comme de simples objets. Données, vendues, leur corps, leur être, ne leur appartiennent plus. Le traffic des femmes au Myanmar continue d’être un vrai sujet, un sujet que l’on veut oublier, taire. Yu Yu Myint Than, Manager de la Galerie Deitta Myanmar, tente de le déterrer avec beaucoup de détermination. Yu Yu est une photojournaliste engagée, qui s’intéresse à la face cachée des droits humains. Elle travaille actuellement sur le traffic des femmes entre le Myanmar et la Chine.
Ce trafic est la conséquence d’un déséquilibre entre le nombre d’hommes et de femmes en Chine dû à la politique de l’enfant unique et au fait d’avoir pendant longtemps privilégié les garçons. Cela aura eu des conséquences doublement tragiques. Dans le passé, cela a causé bon nombre d’avortements forcés dans des conditions précaires et dangereuses pour les mères. Et l’ironie du sort, aujourd’hui, les Chinois n’arrivent plus à trouver de femmes et décident donc tout naturellement d’en acheter à l’étranger car, après tout, les femmes sont des objets comme les autres.
Ces femmes, réduites à l’état d’esclaves, perdent toute liberté et dignité. Yu Yu tente de les replacer en tant que sujet, par le simple fait de raconter leur histoire, de mettre en lumière leur captivité et de dénoncer cette pratique innommable… inhumaine. Son travail est en cours et rencontre certaines difficultés, j’espère qu’elle arrivera à le mener à terme et qu’il aura l’écho attendu.
Sois belle et plais-toi
Chuu Wai Nyein, une jeune et talentueuse artiste, veut également que les femmes reprennent possession de leur corps ainsi que de leur pouvoir érotique. Elle peint des portraits de femmes fortes et sexy.
Elle a commencé à peindre après que sa sœur ait subit une agression sexuelle dans la rue. Alors qu’elle était derrière Chuu sur son scooter, un homme est venu lui attraper la poitrine. Chuu me disait que ce genre de comportement est très fréquent au Myanmar. Les femmes subissent régulièrement des agressions physiques et/ou verbales.
En janvier dernier (2017), son exposition Synonym of Self à la Gallery 65 a réuni pas moins de 61 tableaux de femmes libres et libérées du poids de la société et de leur propre conditionnement. Un pas en avant dans la lutte contre le sexisme. Chuu intègre dans ses œuvres des aspects traditionnels birmans comme des motifs de longyi. Elle veut montrer que les deux sont conciliables : les femmes peuvent être birmanes à part entière et libres. Il y a une façon de trouver l’équilibre entre le respect des traditions et le respect des droits des femmes, des droits humains.
De corps en corps
« Connais-toi toi-même » – A la découverte du corps féminin
Reprendre possession de son corps implique de le connaître, de l’apprivoiser. Au delà de la simple question du plaisir, il y a aussi une question sanitaire, savoir en prendre soin. Et dans un pays qui prône la virginité avant le mariage, il n’est pas toujours aisé de parler de sexualité aux jeunes filles.
Certains projets tentent néanmoins de s’emparer du sujet. C’est le cas de For Her Myanmar, un webzine en langue birmane qui se veut le pendant de mademoiselle.com. Il n’y a pas de rubrique Sexualité en tant que telle. Celle-ci y est abordée dans son rapport avec la santé. Un article récent s’intéresse ainsi à la contraception : « Safe sex not to get pregnant » (en langue birmane). Heloise De Montety, responsable des chroniqueuses, m’expliquait les enjeux de parler de ce type de sujets et la complexité de la manœuvre. Il est important de sensibiliser les femmes, de les informer pour qu’elles soient à même de prendre les bonnes décisions, de se protéger et qu’elles deviennent actrices de leur sexualité mais encore une fois trouver des femmes qui arrivent à en parler n’est pas aisé. Il y a une volonté du journal à bousculer les règles mais les choses se feront pas à pas.
Akhaya Women a également à cœur de promouvoir le thème de la sexualité. Cette organisation veille à valoriser et responsabiliser les femmes à travers des formations individualisées en petit groupe. La sensibilisation à la sexualité est un élément central. On apprend aux femmes à avoir plus de confiance en matière de genre et de sexualité pour qu’elles deviennent de vraies actrices au sein de leur famille et dans la sphère publique.
Corps à corps : retrouver sa dignité perdue
Eden Ministry, une plateforme de bijoux œuvre pour réinsérer des prostituées et leur redonner leur liberté perdue, car bien souvent ce n’est pas une vie qu’elles ont choisie, on les a contraintes et réduites à l’état d’esclaves sexuelles. Eden les forme, leur offre des opportunités de carrière et les aide à guérir de leurs blessures. Le bijoux devient parure de l’espoir. Eden met également en place des programmes de prévention pour agir en amont. « Eden : une voix pour les oppressées, une lumière à l’obscurité ».
« En corps » et toujours… les femmes ont du chemin à faire pour reprendre le dessus sur leur corps, leur esprit et leur âme. Des éclaireuses, des éclaireurs leur ouvrent la voie pour qu’elles fassent pleinement corps avec elles-mêmes.